Pour les
intéressés, mon compte rendu du weekend aussi long que la course. Et encore
j’ai évincé des détails, ceux qu’on monnaie…
Vendredi, à 2
jours de l’échéance :
La course avant
LA course. Descente à Nice en voiture. Départ au petit matin et déjà du monde
dans les starting block du périph. Une sirène au loin donne le départ. Joel,
premier relayeur, enchaine les rapports de vitesse avec une fluidité et une
aisance déconcertante. Gros braquet, à fond sur la pédale de droite et sur la
file de gauche. Nous filons vers le sud à vive allure. A ce rythme, nous ne
faisons qu’une bouchée des caravanes hollandaise et atteignons rapidement le
Negresco l’odalysico sans encombre. Petite marche pour prendre l’air,
flâner au village expo, retirer les dossards et enfin une bonne baignade dans
le grand bleu pour finir cette journée avec une touche de vacances parmi les
vacanciers. « Chouchous, beignets, qui veut des chouchous ». Cet
instant restera notre seul moment de détente.
Samedi, veille
de course :
Le lendemain est
consacré à la préparation. Une préparation aussi minutieuse que l’opération
Overlord. Sacs de transitions, bachotage du parcours vélo, inspection visuelle
du matos, derniers ajustements, vérification de la porte opposée, une vrai
check list de pilote. Je remercie Joel pour sa liste. Bonne nouvelle pour les
fans la nouvelle révision va sortir prochainement. Encore plus complète. Si si.
C’est qu’il ne
faut rien oublier car dépose des sacs de transition et du vélo en fin
d’après-midi. Un parc à vélo? que dis-je ! un champs de vélo à perte de
vue. Je dépose Mimine, moi en couple avec mon vélo ? jamais. Mais c’est
fou comme on s’attache à certains objets. Il est déjà 18h. Avec l’objectif
d’être au lit au plus tard à 22h, il va bientôt falloir s’attaquer au dîner.
Dîner léger. Ha j’oubliai, ma petite famille presque au complet a fait le
déplacement. Extra. Je leur promets donc ce moment avec eux pour éviter le
conflit diplomatique. Histoire aussi qu’il me voit dans un bon jour pendant le
weekend. A ce moment je ne suis pas particulièrement stressé. On croise
beaucoup d’athlètes, que l’on reconnait facilement au bracelet bleu et aux
jambes épilées. Autant dire qu’avec ma touffe de Jackson five et mes pates
poilues je dois passer pour un jeune Wookie qui s’est trompé de course aux
étoiles. Allez zou, au dodo. Je mettrai une grosse heure pour retrouver
Morphée. Un record me concernant.
Dimanche, jour
de fête :
Réveil avant les
aurores, à une heure où les fêtards fêtent. En parlant de fêtard j’hésite à
appeler Richie la Saumure pour le rassurer…ou peut être me rassurer. Plaisirs
et priorités avant tout je préfère petit-déjeuner. Tout y passe, confitures,
brioche, céréales Lion, lait, compotes, jambon, fromage, j’approche
l’hyperglycémie. La tension monte d’un cran avec un mélange d’excitation et
d’appréhension. Juste avant de partir je sens un picotement dans l’œil gauche.
Une lentille s’est légèrement fissurée. Chouette ! Elle peut tomber à tout
moment maintenant et bien sûr pas de rechange. On a peut-être une check
liste de pilote mais j’ai des yeux de taupe, surtout cet œil. Espérons qu’elle
tienne et se fasse discrète. On rejoint le départ en voyant effectivement
quelques chemises blanches débraillées et alcoolisées, deux mondes se croisent,
c’est drôle.
Arrivé au parc à
vélo, chacun rejoint sa bécane pour les vérifications d’usage. Ca gonfle à tout
va et quelques chambres à air explosent ici et là. 15 min après Joel arrive
tout livide et inquiet « j’ai crevé, j’ai dû utiliser mon seul boyau de
change» ça va aller Jo, le capital mal chance est épuisé. Au pire je lui
passerai un boyau si je le croise en rade sur le parcours. Pas de doute qu’il
fasse une grande partie à vélo devant. Dernier passage aux toilettes avant de
revêtir la combinaison moulante de blackman.
Compter 10
minutes pour rejoindre la plage de galets, on se marche déjà dessus. J’ai raté
le créneau d’échauffement. Les traits sont tirés. J’aperçois les sas des temps
de nage : 1h25, 1h20, 1h15… placement libre. Am stram gram, ha ba non
gram. Je me fous dans le sas des 55min, le plus rapide en fait. J’ai toujours
été un grand optimiste J. Et
encore si je pouvais j’aurai pris le départ avec les pros 5 min avant.
Pour être franc
je ne prétendais pas nager ce temps-là mais simplement me mettre avec un groupe
rapide pensant être moins chahuté. Joel juste devant moi. C’était une théorie,
place à la pratique…
Face à une mer
d’huile et à des moyens dignes d’une super production, on assiste au départ des
pros. Place maintenant aux schtroumpfs. Concentration, silence de mort parmi
les athlètes. La corne sonne notre départ et là « Wouh pinaise
maaarge» Le ciel nous tombe sur la tête. Je ne sais pas trop comment décrire ce
va suivre mais certaines imagines peuvent choquer. (Je conseille à Richard de
sauter cette section pour son bien-être.)
Un champ de
bataille ! Je ne suis pas encore rentré dans l’eau qu’on me pousse déjà
violemment. « Et oh peace and Love » Une fois dans l’eau impossible
d’avancer, impossible de nager, impossible de respirer. Tout est congestionné.
Soudainement une main m’attrape le pied pour me tirer. « Non mais
c’est pas vrai!!! Je n’avance pas, il faut en plus que je recule » Je m’en
défais par un double kick aquatique dans les chicots. Je ne suis pas violent en
temps normal mais faut pas abuser. A peine me suis-je arraché à cette tentacule
qu’un autre vient me nager dessus. Des coups de bras involontaires à tout va
viennent agrémenter ce menu indigeste. J’ai envie de mettre pause, où est la
télécommande ?
Voilà grosso
modo, après quelques tasses d’eau salée, le premier kilomètre de natation. Pas
de tout repos. Il faut y être préparer. Je ne m’attarde pas trop sur les
passages de bouées, véritable goulot d’étranglement ou tout le monde se rabat
pour chercher une trajectoire optimale. On connait tous ces zones de
turbulences. Fort heureusement les choses se calment après. De quoi
reprendre ses esprits et espérer nager correctement les 2,8km restant. En même
temps que le soleil pointe ses premiers rayons, le plaisir commence à
venir. L’eau est limpide, avec une visibilité de plusieurs mètres.
J’aperçois même les plongeurs en train de nous filmer au fond. Sorti en 1h09 et
des chouias. Vu le départ compliqué, je m’en satisfait pleinement.
A la transition
je ne suis pas des plus pressés. Après un séchage rapide, je m’assure de tout
prendre avec moi, boyau de rechange, bombe anti-crevaison, mouchoirs, gants,
avant d’ attaquer le vélo. La sortie du parc est bouchonnée. Et bien
décidemment! La température atteint déjà 23°C. Elle ne va faire que grimper.
Première partie vélo roulante, tout le monde se suit plus ou moins. Impossible
de respecter à la lettre les règles qu’impose l’interdiction de drafter.
D’ailleurs les arbitres sont plutôt tolérants et prévenants. Sans m’attarder
sur les détails du parcours, j’ai adoré ce tracé dans l’arrière-pays, les
villages traversés, les encouragements de la foule présente à certains
endroits, l’aspect sauvage, la liberté, tous les ingrédients sont là. Aussi à
l’aise dans les ascensions j’ai pris du plaisir à grimper le col de l’Ecre puis
la côte de St-Pons, rattrapant beaucoup de concurrents. Pour les descentes
c’est une autre histoire. Spécialité à part entière qui m’a fait grandement
défaut sur ces sections sinueuses. Trop fébrile et manque d’entrainement sur ce
type de terrain, je laisse filer trop de monde. Sans lassitude j’en termine en
6h17, c’est bien mais on ne va pas se mentir rien d’extraordinaire. Je paie mes
descentes prudentes et j’ai voulu aussi en garder sous le pied pour le
marathon. Soulagé d’avoir passé le plus dangereux sans pépin, reste le plus dur
à attaquer. Je sais déjà que pour viser mieux qu’à Vichy (11h21) il va falloir
sortir un solide marathon. Doux rêveur que je suis…
Transition 2 plus
rapide, changement de chaussures, pendant qu’un bénévole range le vélo.
« Merci ». Je me lance derechef sur la course à pied quand j’entends
le speaker annoncer « l’Allemand Boris Stein va attaquer son dernier tour,
toujours en tête, regarder son aisance, 4min au kilomètre…. ». Quelques
secondes plus tard, je vois Boris tout de blanc vêtu me passer sous le nez.
Effectivement je constate son aisance, je l’accroche, 100 mètres après je
décroche. Désolé Boris mais c’est pas possible , une autre fois la soirée
disco.
Je ne me sens pas
au mieux. Une boule au ventre me serre l’estomac. Il fait très chaud et je
commence moralement à douter. Impossible de tourner les jambes comme j’aimerai.
Je rage. Après 5km, une première alerte, allure impossible à maintenir. La
chute s’amorce doucement, jusqu’au semi où le ras le bol me gagne. J’ai envie
d’éteindre ma montre, elle me dégoute. Tenir, tenir, tenir ! Je puise dans
les réserves sans voir plus loin que chaque ravito. Ce sont là les seuls
objectifs qu’on peut se fixer. Tous les 2 km j’en profite donc pour boire un
verre d’eau en marchant 10 mètres et repartir. J’arrive ainsi à contenir la
chute et à avancer tant bien que mal à 10km/h. Dans ces moments j’essaie de
penser à autre chose, à des souvenirs qui font oublier la douleur.
Je croise Joel à
chaque tour, il doit souffrir plus que moi et trouve malgré tout la force de
m’interpeler. Car moi je n’ai rien trouvé d’autre que de fixer le sol pour
avoir l’impression d’avancer. La chaleur continue son travail de sape. Beaucoup
marchent quand ils ne sont pas à l’arrêt. En dehors des ravitos je me
l’interdis mais c’est dur. J’en vois allongés par terre, les secours s’afférer,
les sirènes retenir sans cesse. Dure vision de la course. Mon shorty bleu
développe une pigmentation blanchâtre qui m’inquiète. Je me suis transformé en
Cérébos. Système digestif en mode veille, aucun gel ou solide ne passe alors à
quoi bon, seul l’eau arrive à faire son petit chemin.
Enfin le dernier
tour je peux commencer le décompte kilométrique. Toujours en souffrance,
j’arrive néanmoins à conserver l’allure sans m’effondrer. C’est plus facile
quand on voit le bout du tunnel…Panneau des 40km, je sais que c’est bon. Je
lève la tête. Derniers 100m avec la foule pour boucler ce marathon en 3h54, je
savoure ce final, lève les bras au ciel, souris enfin. 11h35.
Finisher heureux.
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IronMan Gilles |
Après un massage
& gommage au sel, j’attendrai Joel sur la ligne d’arrivée. Je le vois en
finir, soulagement.
Le temps final
n’est qu’un détail et je retiendrai surtout toutes les émotions qui nous ont
traversées durant cette longue journée. La tête remplie de souvenirs, tous bons
même dans la souffrance. Et si c’était aussi facile, prendrait-on autant de
plaisir ? Quand je repense à mes débuts en triathlon il n’y a pas si
longtemps, j’étais encore loin d’imaginer cette médaille autour du coup…
En outre j’ai
passé un excellent weekend en excellente compagnie.
A Pauline et
Hugues de se mesurer à l’adage «rien n’est impossible». Je leur dirai
juste : Savourez !
Et donc c’est
quoi la prochaine étape après Nice ?
Gilles Cheniara